Oubliés les préjugés moroses sur la capitale politique. Place à Rabat la festive et ses 9 jours culturels les plus intenses de l’année. Avec George Benson en ouverture, dès ce soir scène Bouregreg, et Withney Houston en clôture, Mawazine, c’est pas moins de 100 concerts qui brassent près de 40 nationalités. Les organisateurs comme son directeur artistique ont des raisons d’être fiers. Interview:
Comment la nouvelle équipe aux commandes du festival espère-elle insuffler un nouvel élan à l’événement, notamment sur le plan artistique?
Les recommandations du président du festival M. Mounir El Majidi sont claires à ce sujet. Davantage de jours, davantage de qualité, davantage de concerts et l’impératif de concilier exigence de qualité et spectacles qui attirent un public très large. Le nouveau souffle a trait d’abord à la durée du festival qui a été prolongée d’un week-end, haussant de la sorte Mawazine au rang des festivals au monde qui ont assez de souffle – c’est le cas de le dire – pour se dérouler sur deux week-end.
Concernant la programmation artistique, elle a été réfléchie en fonction des scènes. En ce qui concerne les grandes scènes, elles tendent à combiner qualité et popularité. Les artistes et les groupes parlent d’eux-mêmes. Nous avons George Benson, Goran Bregovic, Los Van Van, Dee Dee Bridgewater, Daniela Mercury, Amparanoia, Juanes, Ziggy Marley, Kassav, Gocoo, Natacha Atlas, Rokia Traoré, Omar Pene, Tony Allen, Amr Diab, Nancy Ajram, Assala Nasri, Al Di Meola, Cristina Branco, Taraf de Haïdouks… Rares sont les festivals capables de rassembler en une fois autant d’artistes de qualité. Le nouveau souffle, c’est d’abord cette qualité d’artistes que le festival offre en partage aux publics.
Contrairement au festival Gnaoua ou celui des musiques sacrées, Mawazine a du mal à se greffer à une thématique. Qu’en pense le directeur artistique que vous êtes ?
La taille de Mawazine le différencie des deux festivals que vous citez. Mawazine est un grand festival qui dure 9 jours, qui concerne 9 scènes où se produisent plus de 100 formations et artistes originaires de 40 pays. Il n’y a rien de comparable au Maroc. La taille de Mawazine le place dans la catégorie des grands festivals au monde comme le Jazz & Heritage Festival de la Nouvelle-Orléans qui en est à sa 39ème édition et qui dure 10 jours. Ce festival propose du blues, du jazz, du rock, de la country ou encore la world-music. Pourtant, il ne vient à personne l’idée de lui reprocher de ne pas coller à une thématique, parce que toutes ces musiques ont hérité quelque chose du jazz.
Le festival mawazine est un festival de musiques du monde qui repose sur un concept clair : les rythmes des musiques africaines et sud-américaines sont le socle de la programmation, avec une ouverture sur les musiques orientales et marocaines. La majorité des concerts participent de ce concept qui confère son identité à Mawazine.
Comment s’est fait le choix du plateau artistique ?
Le choix artistique s’est défini en fonction du concept fondateur de Mawazine. La scène de Bou-Regrag est quasiment dédiée au continent sud-américain, celle de Hay Riad au continent africain. Le choix s’est porté sur les artistes qui ont une actualité artistique. La plupart d’entre eux ont sorti cette année un album ou ont un album en cours d’édition. Deux fils conducteurs sont proposés cette année aux spectateurs. Le premier a une couleur tsigane. Il part de l’Inde, terre d’origine des Tziganes avec les Gitans Dhoad du Rajasthan, passe par la Turquie et le superbe clarinettiste Hasan Yarimdunia, s’arrête en Roumanie avec les Taraf de Haïdouks, meilleure formation tsigane au monde et arrive aux Balkans avec l’inclassable Goran Bregovic et son énergique orchestre des mariages et des enterrements. L’autre fil est jazzy, histoire de souligner les racines africaines du jazz. Et là aussi, le plateau est également riche avec George Benson, Dee Dee Bridgewater et Al Di Meola.
Le choix des artistes s’est également effectué en fonction des scènes. La taille de Mawazine permet d’avoir une programmation autonome au niveau de chaque scène. L’ensemble est évidemment couvert par le concept fondateur de la manifestation. La scène du Chellah et de la Villa des Arts se prêtent à des concerts intimistes et tout particulièrement aux musiques traditionnelles. Nous proposons une très bonne programmation à Chellah par exemple avec des voix pures, des solistes d’une grande qualité comme le joueur de doudouk arménien Gevorg Dabaghyan et des sons venus de très loin comme les Mongols Huun Huur Tu.
Whitney Houston, un gros calibre mais quelque peu démodé. N’aurait-il pas mieux valu inviter une star moins imposante mais plus dans l’actualité?
Whitney Houston fait partie de cette race d’artistes qui se jouent des modes. La mode ne peut pas démoder Whitney, parce que cette chanteuse est au-dessus du temps qu’il fait et du cycle des tendances. C’est l’un des plus grandes chanteuses du 20ème siècle et elle est loin d’avoir jeté l’éponge. Elle a d’ailleurs une actualité, puisqu’elle a déjà enregistré cinq chansons de son nouvel album dont on parle comme l’événement musical de la fin de l’année 2008. Nous la programmons au moment où on ne parle que d’elle. Elle donne d’ailleurs un concert le 8 mai à Londres juste avant sa prestation à Mawazine. Pensez-vous que Londres soit une ville qui accueille des artistes démodés ?
En plus, Whitney Houston compte de très nombreux admirateurs Maroc – aussi bien parmi les personnes âgées que parmi les très jeunes. Nous sommes très surpris par l’engouement des moins que 20 ans pour cette artiste. C’est vraiment une très belle surprise pour nous !
Et enfin, Whitney Houston fait partie de la catégorie très restreinte dite major artists. Avec sa prestation à Rabat, il sera beaucoup plus facile d’inviter des artistes de sa qualité au Maroc.
Que répondez-vous à ceux qui jugent que Mawazine est plombé par « l’ambiance administrative » de la capitale.
Certains préjugés ont la peau dure de ceux qui les propagent. Depuis combien d’années ceux, comme vous dites, qui jugent Rabat comme une ville péjorativement administrative n’y ont pas mis les pieds ? Rabat est la ville à la vocation artistique la plus manifeste au Maroc. C’est une ville avec plusieurs équipements et chantiers culturels importants : la Bibliothèque nationale, le Musée national d’art contemporain, le Musée national des arts chorégraphiques et de la danse, le Musée royal du patrimoine et des civilisations, une salle de cinéma, La Renaissance, rénovée pour accueillir des spectacles, un théâtre magnifique, une galerie nationale… et un festival, Mawazine, appelé à porter le rayonnement de la ville non seulement au Maroc, mais en dehors des frontières du pays. Seule une personne qui refuse de voir et d’entendre peut passer à côté de la dynamique artistique et culturelle de Rabat.
Monday, January 19, 2009
Le Festival Mawazine Selon Son Directeur
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